MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE,
DE L’ALIMENTATION, DE LA PÊCHE
ET DES AFFAIRES RURALES
Direction générale de la forêt et du bois
Bureau de la forêt et des territoires
MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE
ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Direction de la prévention
des pollutions et des risques
Sous-direction des produits et déchets
Bureau de la gestion
et de la planification des déchets
Circulaire du 27 juin 2003 relative à la prévention des
incendies de forêt liés aux dépôts sauvages de déchets et aux décharges
NOR : DEVP0320331C
Date de mise en application : immédiate.
Base juridique :
Code forestier et notamment
les articles L. 322-4 à L. 322-2 et R. 322-1 à R. 322-6.1 ;
Code de l’environnement
(titres I et IV du livre V, et notamment articles L. 511-1, L. 514-1
et L. 541.3).
Résumé : la présente circulaire a pour objet de vous rappeler les
dispositions, tant techniques que juridiques, qui doivent être mises en oeuvre,
au premier chef par les communes, afin de limiter dans toute la mesure du
possible les risques de feux de forêt liés aux dépôts sauvages de déchets
et aux décharges.
Mots-clés : feux de forêts, risque d’incendie, décharges.
Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des
affaires rurales, la ministre de l’écologie et du développement durable à
Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales
de l’agriculture et de la forêt [pour exécution]) ; Mesdames et
Messieurs les préfets de région (directions régionales de l’agriculture et
de la forêt ; directions régionales de l’industrie, de la recherche et
de l’environnement [pour information]).
Les deux tiers des surfaces parcourues par le feu
sont enregistrés pendant une période généralement limitée à quelques jours
où se conjuguent les effets de la chaleur, de la sécheresse et du vent. Face
à ces facteurs aggravants du risque d’incendie de forêt, lesquels, par
nature ne sont pas contrôlables, il importe d’agir sur les autres facteurs
pour limiter les superficies brûlées. Dans ce domaine, les imprudences de
toutes sortes, dont certaines peuvent avoir des conséquences dramatiques, sont
responsables d’une part très significative (55 %) du nombre de feux.
Certaines installations et infrastructures sont également à l’origine de
feux importants. Dans cette catégorie figurent les décharges et les dépôts
d’ordures, qui, en région méditerranéenne, représentent 5 % des
causes de départ de feux et correspondent à 10 % des surfaces annuelles
brûlées.
La mise aux normes, la mise en sécurité et la
protection rapprochée des décharges et des dépôts d’ordures constituent
des champs prioritaires d’intervention sur lesquels nous appelons plus
particulièrement votre attention.
Les dépôts d’ordures peuvent être classés en 3 catégories :
- les installations de stockage de déchets
conformes aux textes, recevant des déchets ménagers ou industriels ;
- les décharges irrégulières, souvent
exploitées par des communes pour le dépôt des ordures ménagères, ou laissées
à disposition pour le dépôt des encombrants, déchets verts... ;
- les dépôts sauvages de déchets abandonnés
par les particuliers ou les entreprises.
Les dépôts de déchets, notamment ceux des deux dernières
catégories ci-dessus, représentent un enjeu particulier vis-à-vis du risque
d’incendie. La première mesure immédiate portera sur la protection rapprochée
de ces dépôts vis-à-vis du risque incendie, par mise en oeuvre des mesures détaillées
au point A ci-dessous. La seconde mesure consistera ensuite soit à
supprimer purement et simplement ces dépôts, soit à les mettre en conformité
avec la réglementation en vigueur. En effet, la mise en oeuvre des mesures de
protection rapprochée vis-à-vis du risque incendie ne dispense pas de
l’obligation de respecter la réglementation en vigueur au titre du code de
l’environnement.
Les dépôts à risque identifiés dans les plans ou
projets de plans de protection des forêts contre l’incendie, ainsi que les
installations où sont encore exercées des pratiques illégales de brûlage des
déchets doivent bien évidemment être traités en priorité.
A. - Les mesures techniques
S’agissant de la prévention spécifique
du risque incendie, il vous est rappelé en premier lieu que, sans préjudice
des autorisations nécessaires, tout dépôt d’ordures ménagères est
toujours interdit à moins de 200 mètres de végétation forestière (sont
assimilées les décharges publiques de déblais et détritus divers contenant
des matières qui peuvent fermenter et prendre feu).
Pour les décharges ou dépôts existants, il convient
de s’assurer que les mesures suivantes sont mises en oeuvre sans délai :
- débroussaillement du terrain dans une zone
de sécurité entre 50 mètres (minimum) et 200 mètres suivant les
conditions locales ;
- clôture des terrains ;
- recouvrement régulier de terre ;
- installation d’au moins un point d’eau
normalisé ;
- voie d’accès normalisée pour les véhicules
chargés de la lutte contre l’incendie ;
- surveillance en période de haut risque.
Tout dépôt ne respectant pas ces prescriptions devra
être aménagé en conséquence. A défaut, il devra être supprimé, soit par
transfert, soit par enfouissement sous au moins 1,50 m de terre.
A cette fin, s’il s’agit d’un dépôt sur un
terrain privé, le maire fera usage de ses pouvoirs de police (art. L. 2212-2,5o
du code général des collectivités territoriales) pour obliger le propriétaire
à se conformer à ces règles de sécurité selon la procédure décrite au
point B ci-dessous ; s’il s’agit d’un dépôt sur un terrain
public, il devra prendre l’initiative des mesures pour faire disparaître le
risque.
Par ailleurs, nous vous rappelons que la prévention des
abandons sauvages de déchets passe par l’amélioration de la qualité des
services de collecte et par une information appropriée de la population. Les
communes ou groupements de communes doivent proposer à la population une
collecte régulière en porte à porte et/ou des lieux appropriés, déchèteries
par exemple, pour l’évacuation des déchets encombrants, déblais-gravats, déchets
verts.... A ce titre, il pourra être rappelé que le brûlage des déchets reçus
en déchèteries, pratique heureusement rare, est interdit.
B. - Les mesures juridiques
Le code forestier au titre de la défense
contre les incendies et le code de l’environnement pour sa partie relative à
la prévention des pollutions, des risques et des nuisances, permettent chacun
en ce qui le concerne, de prendre les mesures nécessaires à la protection des
forêts contre les incendies et à la disparition des dépôts sauvages.
I. - LES OUTILS JURIDIQUES PERMETTANT D’ASSURER LA
PROTECTION RAPPROCHÉE VIS-A-VIS DU RISQUE INCENDIE
Le code forestier reconnaît au maire une responsabilité
de premier rang dans ce domaine, en coordination avec les dispositions du code
de l’environnement applicables aux dépôts de déchets.
Ainsi, l’article L. 322-2 dudit code stipule
expressément que lorsqu’un dépôt d’ordures ménagères présente un
danger d’incendie pour les bois, forêts, landes, maquis, plantations ou
reboisements, le maire doit prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser
ce danger.
a) Pouvoirs du maire - obligations de droit
En application des dispositions de
l’article L. 322-3 du code forestier, une obligation de débroussaillement
est instituée dans les zones situées à moins de 200 mètres des terrains
en nature de bois, forêts, landes, maquis, garrigues, plantations ou
reboisements :
- sur une profondeur de 50 à 200 mètres
aux abords des constructions, chantiers, et installations de toute nature (dont
les dépôts de déchets) ainsi que sur les voies privées y donnant accès sur
une profondeur de 10 mètres de part et d’autre de la voie ;
- sur les terrains situés en zone urbaine délimitée
par un POS ou un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu, mais également
dans les zones d’urbanisation diffuse ;
- sur les terrains servant d’assiette aux
opérations régies par les articles L. 311-1, L. 315-1 et L. 322-2
du code de l’urbanisme, ainsi que sur ceux mentionnés à l’article L. 443-1.
Si l’intéressé ne respecte pas les obligations
prescrites, la commune y pourvoit d’office après mise en demeure du propriétaire
et à la charge de celui-ci.
Ceci devrait donc permettre au maire d’agir pour la
majorité des dépôts d’ordures présentant un risque pour la forêt.
Par ailleurs, en vertu de l’article L. 151-36 du
code rural (et suivants), les communes peuvent également prescrire ou exécuter
des travaux, dont la défense contre l’incendie, lorsqu’ils présentent
d’un point de vue agricole ou forestier un caractère d’intérêt général
ou d’urgence.
b) Sanctions
En cas de violation constatée de l’obligation de débroussailler, et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, le maire met en demeure, en application de l’article L. 322-4 du code forestier, le propriétaire défaillant d’exécuter les travaux de débroussaillement ou de maintien en état débroussaillé dans un délai qu’il fixe. A l’expiration du délai fixé, le propriétaire récalcitrant est passible d’une amende qui peut atteindre 30 Euro par mètre carré soumis à l’obligation de débroussaillement.
c) Pouvoirs du préfet
En tant que représentant de l’Etat
dans le département, et en application des dispositions de l’article L. 322-1-1
du code forestier, vous avez la possibilité, indépendamment des pouvoirs du
maire et de ceux qui découlent du code général des collectivités
territoriales, d’édicter toutes mesures de nature à assurer la prévention
des incendies de forêts.
En outre, en cas de carence du maire, l’article L. 322-4
du même code stipule que le préfet doit se substituer à la commune après une
mise en demeure restée sans résultat. Le coût des travaux de débroussaillement
effectués par l’Etat est mis à la charge de la commune qui procède ensuite
à son recouvrement dans les conditions prévues au second alinéa de cet
article.
Pour les décharges autorisées, il vous appartient de vérifier,
pour ce qui concerne la prévention du risque incendie, la conformité des
installations aux dispositions de l’arrêté ministériel du 9 septembre 1997
modifié relatif aux installations de stockage de déchets ménagers et assimilés
(art. 30 pour l’obligation de débroussaillement, art. 20 sur le
contrôle de l’accès, art. 33 sur l’interdiction de brûlage). Le
respect des prescriptions spécifiques correspondantes de l’arrêté préfectoral
autorisant l’exploitation de la décharge sera également vérifié. Les
infractions constatées doivent être sanctionnées en vertu de l’article L. 514-1
du code de l’environnement.
II. - LES OUTILS JURIDIQUES POUR
SUPPRIMER
OU METTRE EN CONFORMITÉ CES DÉPÔTS
II.1. Les dépôts sauvages
L’article L. 541-3 du code de l’environnement permet à l’autorité titulaire du pouvoir de police (maire ou préfet) d’assurer d’office l’élimination des déchets aux frais du responsable, au cas ou des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du chapitre premier, titre IV, livre V de ce code et des règlements pris pour son application.
a) Procédure administrative
En premier lieu, le maire doit adresser
une mise en demeure à l’auteur du dépôt sauvage de déchets visant à faire
procéder à l’enlèvement de ce dépôt. Cette mise en demeure sera adressée
à l’auteur des dépôts pour autant qu’il soit identifié ou à défaut au
propriétaire du terrain, en sa qualité de détenteur des déchets, en
application de l’article L. 541-3 précité. La mise en demeure doit être
assortie d’un délai de réalisation qui doit être fixé en fonction de la
gravité des nuisances à faire cesser.
En cas d’échec de la mise en demeure, le maire peut :
- obliger, par arrêté pris, en application
de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, le responsable à
consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du
montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure
de l’exécution des travaux d’enlèvement des déchets ;
- assurer d’office l’élimination des déchets
aux frais du responsable : dans ce cas, la commune fera enlever les déchets
et effectuer si nécessaire les travaux sommaires de réaménagement par ses
services techniques ou en faisant appel à une entreprise dans le respect des
dispositions prévues par le code des marchés publics. Le propriétaire du
terrain devra être avisé de la date de ces travaux qui seront réalisés en présence
d’un représentant de l’autorité de police municipale.
b) Sanctions pénales
Indépendamment de la procédure décrite
ci-dessus, la mise en oeuvre de sanctions pénales à l’encontre des auteurs
des dépôts illicites doit contribuer à mettre un terme à certains
comportements qui peuvent présenter des risques pour l’environnement.
En ce qui concerne l’abandon sauvage de déchets par
des particuliers ou des entrepreneurs, le code pénal prévoit les
contraventions de police suivantes :
- article R. 632-1 : abandon de déchets
ou de matériaux en un lieu public ou privé ;
- article R. 635-8 : infraction prévue
à l’article R. 632-1 commise à l’aide d’un véhicule.
II.2. Décharges communales irrégulières
L’exploitation d’une décharge
sans autorisation constitue une infraction passible des sanctions pénales prévues
par l’article L. 514-9 du code de l’environnement. Les infractions font
l’objet de procès-verbaux dressés par les inspecteurs des installations
classées ou les officiers de police judiciaire et transmis sans délai au
procureur de la République.
Il vous appartient donc de rappeler aux maires la
responsabilité qu’ils encourent en exploitant une décharge sans autorisation
ou en laissant leurs administrés déposer des déchets sur un terrain
appartenant à la commune. Ils sont dans ce cas exploitants ou détenteurs
d’une installation classée fonctionnant sans autorisation.
A ce titre, ils doivent faire cesser les apports de déchets
et mettre en oeuvre les mesures techniques rappelées au point A ci-dessus
pour prévenir les risques d’incendie. La fermeture définitive de la décharge
et sa couverture comme indiqué au point A sont vivement recommandées. En
effet, si la décharge n’a jamais été autorisée et qu’aucune procédure
n’est engagée à cette fin, la régularisation de sa situation administrative
en application de la législation relative aux installations classées, et sa
mise en conformité aux dispositions de l’arrêté ministériel du 9 septembre 1997
modifié s’avèrent souvent illusoires.
En cas d’inaction d’un maire, vous devez prendre un
arrêté de mise en demeure préalable à la fermeture de la décharge sur le
fondement de l’article L. 514-2 du code de l’environnement. Ce même
article vous donne la possibilité de suspendre l’exploitation et d’imposer
les aménagements techniques immédiatement nécessaires tels que décrits au
point A ci-dessus.
C. - Responsabilité
a) Il vous appartient
de rappeler au maire qui n’est pas intervenu pour faire supprimer un dépôt
d’ordures constitué en dehors de toute intervention administrative sur des
propriétés riveraines de la voie publique que cette inaction constitue une
faute lourde susceptible d’engager la responsabilité de la commune sur le
plan administratif. Par ailleurs, la responsabilité pénale du maire peut aussi
être engagée pour manquement à une obligation de sécurité imposée par la
loi ou les règlements, sous réserve des dispositions de l’article L. 2123-34
du code général des collectivités territoriales (CGCT).
b) En cas de défaillance du maire, il
vous appartient de mettre en oeuvre les dispositions précitées.
Indépendamment des pouvoirs du maire et de ceux qu’il
détient par application du code général de collectivités territoriales, vous
détenez vous-même des pouvoirs de police en application des articles L. 322-1.1
et R. 322-1 du code forestier (protection des forêts contre l’incendie).
Vous voudrez bien faire part au directeur général de
la forêt et des affaires rurales pour les mesures prises au titre du code
forestier, et au directeur de la prévention des pollutions et des risques pour
les mesures prises au titre du code de l’environnement, des difficultés que
vous pourriez rencontrer pour l’application de ces différentes mesures.
Le directeur de la prévention des pollutions et des risques, délégué aux risques majeurs, P. Vesseron |
Le directeur général de la forêt et des affaires rurales, A. Moulinier |